Aboli bibelot d’inanité technique, ou la machine à résister

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Les Cahiers de médiologie

Comme son nom l’indique, le vélocipède a gagné sa première notoriété parce qu’il symbolisait cette vitesse que le XXe siècle allait promouvoir au point d’en bouleverser toute relativité, pour atteindre l’absolu du temps-lumière. Aujourd’hui, la bicyclette se retrouve au bas de cette nouvelle échelle des temps — au sommet de laquelle trônent le direct télévisuel et le temps réel informatique. Au gré des lois paradoxales de la rétroaction, sa portée médiologique s’inverse alors en opérateur de ralentissement : le vélo devient un art de l’anti-moteur, une poiétique du dérailleur. Car si « l’on n’a pas le choix de revenir en arrière, non plus que de repousser sans frais le nouvel outil » (Bougnoux), on peut en revanche inventer des tactiques de réappropriation, qui sont autant de « thérapeutiques de socialités détériorées » (Certeau). L’usage moderne du vélo relève de cette « créativité quotidienne », qui répond aux stratégies de l’organisation technique par des « techniques de réemploi » (Ibid.). Braconnage dans le lieu de l’autre — celui des moyens de transport et de transmission rapides — l’énonciation cycliste réécrit la ville et la durée par ses chemins de traverse, ses infractions aux codes de la circulation et de l’information, ses ruses pour doubler les voitures embouteillées ou pour prendre le temps de regarder.

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Pour citer cet article

Louise Merzeau, “Aboli bibelot d’inanité technique, ou la machine à résister”, Les Cahiers de médiologie 1/1998 (N° 5), p. 47-57.