De la bibliothèque à l’Internet : la matrice réticulaire


Robert Damien, du lecteur à l’électeur.
Bibliothèque, démocratie et autorités


Par l’ordonnancement méthodique des livres, la bibliothèque institue la confrontation des raisons qui pourra guider le conseil de lecture, lui-même modèle et condition du conseil au prince ou au peuple souverain. Dans cette perspective, l’entrée des dispositifs sociotechniques dans l’ère numérique doit être interrogée dans les mêmes termes : quel type de pluralité, de liberté et de discernement autorise-t-elle ? Quelle structure d’autorité organise-telle ? En un mot, quelle sorte de matrice l’environnement numérique installe-t-il dans l’espace du savoir et de la cité ? Pour répondre, sans doute faut-il d’abord renoncer à penser l’Internet à partir de ce modèle de la bibliothèque. Pour la très grande majorité des utilisateurs, Internet est en effet tout autre chose qu’une bibliothèque : c’est un milieu de vie plus qu’un support et c’est cette dimension « écologique » qu’il convient aujourd’hui de penser. Dans ce nouvel écosystème, les individus exercent toutes sortes d’activités très éloignées de l’acte de lecture institué par la bibliothèque, mais ce qui en fait la caractéristique, c’est qu’elles sont toujours en même temps des activités informationnelles. Ces pratiques informationnelles obéissent à de nouvelles règles, où la médiation identitaire réorganise tous les contenus autour de la personne, elle-même redéfinie comme grappe de données connectées. Au conseil, tend ainsi à se substituer le principe de la recommandation, qui dépend avant tout d’une économie de l’attention. Ce régime ne suspend pas le principe d’autorité, mais il en modifie profondément l’architecture, les industries de la recommandation dissimulant la complexité croissante de ces procédures derrière une phraséologie de la fluidité, de la transparence et de l’immédiateté. Il revient alors aux bibliothèques, non de faire entrer de force l’Internet dans leur propre modèle, mais de développer des politiques de médiation, de métadocumentation et d’éditorialisation pour produire une intelligibilité du réseau qui aiderait les citoyens numériques à produire collectivement du conseil…

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Textes réunis par Thomas Boccon-Gibod, Cristina Ion et Éric Mougenot

L’œuvre de Robert Damien se construit autour de la notion d’autorité : autorité du livre, de la bibliothèque et de son classement, du chef. Cet ouvrage, issu d’une journée d’étude organisée à la Bibliothèque nationale de France en 2014, s’ouvre en deux parties cohérentes à la pensée de Robert Damien : la première traite du « testament bibliothécaire », et la seconde se consacre au « principe autorité ». Pour le philosophe Robert Damien, la bibliothèque peut être vue comme le lieu central et finalement sacré où se forme une expérience intellectuelle radicalement neuve qui confère à la vie politique moderne une dimension véritablement spirituelle.

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Pour citer cet article

Louise Merzeau. De la bibliothèque à l’Internet : la matrice réticulaire. In Boccon-Gibod Thomas, Ion Cristina et Mougenot Éric (dir.), Robert Damien, du lecteur à l’électeur. Bibliothèque, démocratie et autorité. Presses de l’Enssib / BnF Éditions, 2017.
ISBN 978-2-37546-061-0.

 

A qui confier la vérification de l’info ?

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Du grain à moudre

Tous unis contre les « fake news », les fausses nouvelles. C’est le slogan qui pourrait résumer l’ambition du projet CrossCheck, qui sera lancé demain et qui, contrairement à ce que son nom semble indiquer, est un projet impliquant des médias français.
Une douzaine de rédactions (pour l’instant) se sont associées au Google News Lab (la division médias du moteur de recherche) pour proposer un outil qui permettra d' »identifier et vérifier les contenus qui circulent en ligne, qu’il s’agisse de photos, de vidéos, de commentaires ou de sites d’actualités ». Cette initiative n’est pas isolée. D’autres médias, d’autres réseaux sociaux et d’autres pays sont en train de mettre sur pied des réponses à la désinformation de masse. Ainsi le journal Le Monde qui lançait au début du mois le Décodex, un outil de labellisation de sites d’informations. Ainsi Facebook, qui va mettre en «arme anti-intox», via un dispositif permettant d’améliorer le signalement, par ses utilisateurs, de fausses informations. La multiplication de ces initiatives ne doit rien au hasard. Si la diffusion d’infos erronées ne date pas d’hier sur Internet, et si la défiance à l’égard des médias relève d’un processus de long terme, il y a eu un changement majeur en novembre dernier avec l’élection de Donald Trump. C’est au plus haut sommet de l’Etat le plus puissant du monde que cette double remise en cause trouve son principal écho. Il y a donc urgence à réagir. Oui mais comment, et avec qui ? ‘’A qui confier la vérification de l’info ?’’

Émission d’Hervé Gardette sur France Culture
Diffusée le 27 février 2017
Avec :

  • Antoine Bayet : Directeur de l’information numérique à France Info
  • Michèle Léridon : Directrice de l’information à l’AFP
  • Louise Merzeau : Professeure en sciences de l’information et de la communication à Paris Nanterre et membre du collectif SavoirsCom1
  • Sam Dubberley : Cofondateur de Eyewitness Media Hub, consultant pour Amnesty International et rédacteur de CrossCheck

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Décodex : la guerre contre les fake-news


@rrêt sur images


En ces temps de fausse information et de post-vérité, il est plus nécessaire que jamais d’aider les internautes à s’orienter dans la jungle des informations en ligne. Les aider oui, mais qui doit les aider, et comment ? Un nouvel outil développé par Le Monde, Decodex, soulève depuis quelques jours un tonnerre de protestations de la part des sites labellisés peu fiables ou même pas fiables du tout. Question de fond : un journal peut-il être le juge de ses concurrents ? Pour répondre : Samuel Laurent, responsable des Décodeurs du Monde, à l’origine du projet Décodex, Louise Merzeau, qui propose dans une tribune une labellisation collaborative sur le modèle de Wikipedia et François Ruffin, patron du site Fakir et réalisateur du film Merci Patron !

Émission de Daniel Schneidermann
Diffusée le 10 février 2017

Avec :

  • Samuel Laurent, responsable des Décodeurs du Monde
  • Louise Merzeau, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris Nanterre
  • François Ruffin, responsable du site Fakir

Extrait de l’émission :

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Controverse Décodex : penser la qualité de l’information comme un Commun


SavoirsCOM1

Nul ne contestera que les enjeux de l’évaluation de l’information sont de plus en plus importants et que l’outil [développé par lemonde.fr] peut avoir un réel intérêt pédagogique en contribuant à développer chez les internautes une  attitude critique et une culture de l’information.
Pour autant, il semble essentiel de ne pas s’en tenir au seul jugement des Décodeurs (juge et partie parmi les sites de presse) et de développer une réflexion sur le principe même d’une labellisation des sites. L’éducation à l’information ne peut pas être accaparée par un seul journal, aussi légitime soit-il, alors que de nombreux acteurs (bibliothécaires, journalistes, professeurs documentalistes, enseignants, modérateurs, etc.) détiennent des compétences en la matière et pourraient mettre en commun cette culture informationnelle. À l’instar du Monde, on peut aisément imaginer que d’autres proposeront leur propre système d’évaluation – servant leurs propres intérêts –, qu’il s’agisse de plates-formes privées comme Facebook, des conspirationnistes eux-mêmes ou de l’État, qui trouverait là un moyen de restaurer une régulation par en haut de l’Internet.

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Autorité pervasive. Vers des logiques de certification environnementales

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Éditorialisation et nouvelles formes de publication


À l’ère du web dit « social », la plupart des outils de partage et de publication sont d’abord des outils de recommandation. Fonctionnant chacune selon des protocoles spécifiques, qui déterminent des logiques de structuration, de propagation et de validation, les plateformes tissent ensemble un environnement-support dans lequel s’organisent désormais les connaissances. Dans un tel contexte, la construction des autorités s’affranchit des modalités de hiérarchisation verticales et cloisonnées, sans pour autant les abolir totalement. Alternant, superposant ou croisant des circuits d’évaluation et de légitimation académiques, médiatiques et conversationnels, le tressage du savant et du non-savant complique les chaînes de la certification, en générant des effets de boucle, d’amplification ou de compensation.
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Journées d’étude sous la direction de Marcello Vitali-Rosati, Michael E. Sinatra et Benoît Melançon
Organisées par l’université de Montréal, Sens Public, érudit, le CRIHN

Montréal, 21 et 22 avril 2015

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