Pas de libertés sans communs, pas de communs sans libertés

Ce texte reproduit un communiqué publié par le collectif SavoirsCOM1 le 20 novembre 2015.


Le collectif SavoirsCom1 exprime ses plus vives inquiétudes en réaction à la pente sécuritaire que le et la grande majorité des représentants/élus/politiciens semblent suivre, suite aux attentats survenus le 13 novembre dernier.

L’adoption à une écrasante majorité par l’ du projet de loi prolongeant l’état d’urgence pour une période de 3 mois en est une première manifestation. Mais le pire est sans doute à venir, notamment dans le cadre de la réforme de la Constitution annoncée par le Président de la République.

En tant que collectif dédié à la promotion des communs de la connaissance, nous tenons aujourd’hui à dénoncer cette spirale sécuritaire, parce qu’il y a un lien consubstantiel entre les Communs et les libertés fondamentales.

Depuis la création du collectif SavoirsCom1 en 2012, nous avons œuvré pour la défense des Communs, parce que nous avons la conviction qu’ils sont une condition de l’exercice concret des droits de l’homme, notamment par l’accès à l’information, à la culture et à la connaissance. Et, s’il n’y a pas de libertés effectives sans Communs, il n’y a pas non plus de Communs possibles sans garantie des libertés.

Ce rapport étroit entre Communs et libertés remonte à leurs origines. C’était le sens de la Magna Carta, la première grande Charte les libertés du peuple anglais adoptée au XIIIe siècle, qui a servi de matrice aux déclarations des droits de l’homme qui ont suivi dans l’histoire. Ce texte consacrait pour la première fois des droits opposables au Souverain, pour garantir la sûreté des individus contre l’arbitraire et leur offrir des recours en justice. La Magna Carta a été complétée ensuite par la Charte des Forêts, premier instrument juridique à reconnaître et protéger les droits d’usage liés aux Communs. Ces deux textes constituent en réalité les deux faces inséparables d’une même pièce.

Pour créer et administrer des communs, les groupes ont besoin de pouvoir se former et exercer leur d’opinion, d’expression, de réunion, de déplacement et de manifestation. C’est cette possibilité d’agir collectivement que l’installation d’un état d’exception permanent va gravement affecter. Or, comme l’ont montré Pierre Dardot et Christian Laval dans leur ouvrage Commun, la capacité d’action collective des groupes constitue le « principe politique du Commun ».

Notre collectif a demandé à de nombreuses reprises que l’État se fasse le « garant des communs », notamment par des politiques publiques permettant de les protéger contre les enclosures et de favoriser leur développement. Le premier devoir de l’État est par ailleurs de garantir les libertés fondamentales. Au lieu de cela, il se dote d’un arsenal législatif qui vise à en limiter l’exercice au nom de la sécurité. La criminalisation d’un grand nombre d’usages en ligne nous inquiète particulièrement, car elle dénie la capacité d’Internet à servir de support à l’action collective.

Les attentats brutaux qui ont frappé le pays sont eux-mêmes une attaque directe des libertés auxquelles nous proclamons ici notre attachement. La lutte contre le terrorisme ne doit pas produire le même effet en compromettant les droits les plus fondamentaux et en escamotant le nécessaire débat sur les causes de ces atrocités et les moyens d’y faire face.

Pas de libertés sans communs, pas de communs sans libertés. Nous appelons tous les acteurs partageant cette conviction à manifester par tous les moyens leur opposition la plus ferme à la dérive sécuritaire à laquelle nous assistons, et à dénoncer le discours unanimiste dont elle se drape.